Des Meuniers à Migneaux
Les noms d’isle de Mignot et d’isle Mignaux figurent dans le Cadastre de Louis-Bénigne de Bertier de Sauvigny, Intendant de la Généralité de Paris, en 1786. Un siècle plus tard, le nom d’île de Migneaux apparaît sur une carte déposée aux archives de Carrières-sous-Poissy. L’orthographe du nom de l’île se stabilise à cette époque. Mais d’où nous vient ce nom, et comment appelait-on l’île dans l’ancien temps ?
L’Antique « Magnae Acquae »
« Migneaux » est associé de nos jours au hameau et au château du même nom, qui selon Octave Noël, était au XVllle siècle un fief de Gilbert de Voisins, marquis d’Orgeval et de Villennes, et seigneur de Médan.
C. de Royer remonte à l’Antiquité, en appariant le ru de Migneaux, qui traverse le domaine du même nom, au latin « Magnae Acquae ».
Le moulin multiséculaire
Un certain Moulin de Migneaux, donné par le fondateur de l’abbaye d’Orgeval à ses chanoines en 1184, situé sur le Petit Bras de Seine, continua à fonctionner jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Au fil de l’histoire, l’on découvre plusieurs formes attestées des toponymes de Migneaux : Musnelles (1190), Munelles (1220), Mugneaux (1232), Muisneaux (1315), démontrant l’étymologie commune de « Migneaux » et de meunier, anciennement musnier ou mi(g)notier.
Jean de Mignaux
Il est donc avéré que dès le Xlle siècle, Migneaux concernait la berge de Seine face à l’île, la meunerie y était florissante, et justifiait le développement économique de l’habitat du hameau en rive gauche. Mais les activités de pêche apparaissent elles aussi dans les archives, à travers la présence d’un certain Jean de Mignaux.
La pescherie en l’eau de Seyne
Ce dernier vendait, en 1372, à Jean Pouger de Poissy « un gord ou pescherie en l’eau de Seyne, entre Poissy et Vilaine, apellé la Guidellerie ». Les gords étaient des filets de pêche de forme conique et comportant une nasse en leur centre, fixés entre deux pieux, permettant de récolter le poisson. Le gord désigne aussi le lieu d’installation de ces appareils qui étaient souvent placés dans les chenaux étroits entre deux îles ou îlots du fleuve. Le gord de Jean de Mignaux était situé entre l’île de Migneaux et l’un des trois îlets qui encombraient jadis le chenal entre les îles de Migneaux et de Villennes.
La partition
En dépit du voisinage du moulin et du gord de Migneaux, dont les toponymes sont attestés au Moyen Âge, l’île de Migneaux ne recevra son appellation définitive que cinq siècles plus tard. A l’époque de Jean de Mignaux fils, c’était l’île aux religieux de Hannemont. Du XVe au XVlle siècle, on trouve souvent l’isle espineuse (1398, 1524, 1628). La Grande Isle de Poissy est le nom qui revient le plus souvent aux Archives, dès 1524 et jusqu’à la fin du XVllle siècle (Atlas des Seigneuries, 1779). On notera que l’île de Migneaux était divisée en trois domaines par des bornes, délimitant ainsi la Seigneurie de Carrière à l’est, la Paroisse de Mignaux au centre, et la Seigneurie de Villaine à l’ouest, auxquelles les trois parties de l’île étaient respectivement rattachées.
Hasard ou nécessité de l’Histoire, le nom de l’île de Migneaux ne semble-t-il pas émerger comme une victoire onomastique du clergé sur la noblesse ? Il fait revivre pour nous ce monde de l’eau, mère nourricière des temps anciens, ses moulins et ses pêcheries.